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Mahamat-Saleh Haroun
Une histoire de filiation
Mahamat-Saleh Haroun naît au Tchad en 1961, un an après l’indépendance de son pays.
Il est issu d’une famille aisée. Son père est diplomate. Ainsi, la famille quittera le Tchad très tôt pour Pékin puis Moscou.
Son prénom est Haroun, Mahamat-Saleh est celui de son père. C’est l’usage au Tchad : deux prénoms déterminent l’individu et sa filiation. Mais en France, où il vit depuis 1982, il est enregistré sous le nom d’Haroun. Son prénom devient le nom de famille qui sera porté par ses enfants, comme s’il s’appelait Haroun Haroun.
Une histoire de filiation donc…
Cette anecdote mérite d’être évoqué tant la filiation, comme nous le verrons par la suite, est un enjeu majeur de son cinéma.
Haroun tombe amoureux des 400 coups de Truffaut qu’il découvre à l’Institut français. A propos de son film Abouna il dira « Comme Antoine Doinel, cela m’intéressait de suivre le personnage de Tahir (l’aîné des deux frères), observer comment sa famille va se reconstruire. Cela répond à mon unique préoccupation : filmer la vie. Dans quelques années, je reviendrai voir Tahir. »
Il retient aussi de ce film la valeur d’un plan : le regard caméra qu’il utilisera beaucoup par la suite.
Scénariste de tous ses films, Haroun ne conçoit pas de ne pas écrire les histoires qu’il met en scène : « le visuel et le récit sont imbriqués dans ma tête. Il y a un style propre, une façon de raconter, de donner à sentir les choses dans le scénario lui-même ». une notion d’auteur très proche des conceptions de Truffaut.
Son deuxième amour de cinéma, découvert lui aussi à l’Institut français, est le film de Rossellini Rome Ville ouverte qui n’est ni un documentaire ni totalement une fiction. Comme chez Truffaut, il aime cette manière de filmer les personnages.
Il prend également conscience que l’on peut filmer la réalité que l’on côtoie. « c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à m’intéresser à ceux qui faisaient les films. Je me suis rendu compte qu’il y avait un auteur et un point de vue » dira t’il.
Nouvelle vague et néoréalisme. Haroun revendique cette filiation cinématographique qui lui permet de mettre en images ses préoccupations. Nouvelle histoire de filiation…
A cet héritage artistique, il ajoutera sa touche personnelle. Le travail de l’ellipse, le travail des couleurs, la bande son, le rythme, le contenu des plans (il utilisera beaucoup le « cadre dans le cadre » par exemple).
Même si il prend Truffaut et Rosselini pour modèles, Haroun fera du Haroun.
Arrivé en France et après avoir tenté une école de cinéma, Haroun entreprend des études de journalisme. Il travaille dans plusieurs grands quotidiens régionaux.
C’est une formation qui lui apprend beaucoup car « l’art du journalisme, c’est structurer des histoires » dira t’il.
Mais c’est le cinéma qui reste sa passion. Après avoir réalisé plusieurs courts-métrages et quelques documentaires, Haroun se lance dans l’aventure d’un premier long métrage Bye Bye Africa.
C’est aussi le premier long-métrage Tchadien !
Haroun y interprète le rôle principal : un cinéaste revient au Tchad pour le décès de sa mère. Il y fait un film sur l’état du cinéma dans ce pays tout en observant la ville de son enfance et ses transformations. Se souvenant des leçons de cinéma de ses aînés, Haroun mélange documentaire et fiction, y compris dans la construction du personnage qu’il joue : certains éléments sont autobiographiques, d’autres pas.
Mais la consécration ne viendra qu’avec son deuxième film : Abouna qui signifie « Notre père ». L’histoire de deux jeunes garçons, abandonnés par leur père et envoyés par leur mère dans une école coranique. Le plus jeune y meurt, mais l’aîné la fuira.
Enfant, Haroun avait été lui-même envoyé à l’école coranique d’Abéché, un endroit qui ne lui a laissé que des souvenirs amers...
Nous sommes en 2002.
C’est un succès critique international (primé au festival de Venise) mais c‘est avant tout un succès populaire au Tchad !
Haroun devient l’un des rares cinéastes africains à bénéficier d’une reconnaissance internationale.
Son film suivant, Daratt (2006), confirme la valeur du cinéaste. Après la guerre civile, un jeune garçon est chargé par son grand-père de venger la mort de son père. Le film est primé à Cannes.
Ces deux films sont des récits d’apprentissage où Haroun s’interroge sur l’humiliation et le désespoir, mais aussi sur l’apaisement par le pardon.
Ses trois premiers films ont donc un point commun : la filiation, une question d’apprentissage pour les pères comme pour les fils, une juste place à trouver dans le monde.
Il poursuit ce sillon avec la consécration de Un homme qui crie, l’histoire d’un père qui décide d’envoyer son fils à la guerre parce que ce dernier risque de lui prendre son travail.
Avec Grigris, Haroun propose un film urbain et nocturne, pas loin du thriller qui aborde de nouveau la question de la filiation (est-il besoin d’un lien biologique pour se sentir fils et redevable ?). |
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